Fiche n° 09 LA CÈNE - sacrement pour la foi

 

 

 

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“ Les bases théologiques qui définissent notre identité et qui nous rassemblent ”
(cf. Synode National de Vauvert – 1996 – décision XV)

LA CÈNE
sacrement pour la foi

Toutes les Eglises chrétiennes, avec des formes et des rythmes différents, célèbrent le repas du Seigneur en réponse à son commandement. Mais le poids de sens donné à ce sacrement n’est pas le même pour tous. La compréhension réformée de la cène propose une vision qui respecte l’équilibre entre le mystère de l’action souveraine de Dieu et la nécessaire foi des communiants.

 

 

I. Le repas des pèlerins

Si le baptême marque l'entrée des individus dans l'alliance de grâce (cf. fiche n° 8), la cène est le sacrement qui accompagne et fortifie les membres de la communauté chrétienne tout au long de leur marche ici-bas. C'est le Christ qui les a institués avant de retourner vers son Père (Matt 28.18-20, Marc 14.22-25, 1 Cor 11.23-26), c'est à lui qu'ils renvoient et c'est en lui qu'ils trouveront leur plein accomplissement quand il reviendra dans sa gloire. En conclusion de la première cène, Jésus indique à ses disciples que ce sacrement leur est donnée pour la période intermédiaire qui durera jusqu'au festin des noces de l’Agneau : “ Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père ” (Matt 26.29).

Le cadre du repas n'est pas fortuit. Il s'agit, au départ, de celui de la Pâque juive ; Jésus s'identifie ainsi au Libérateur promis et attendu. L'arrière-plan des repas de communion pris à la suite des sacrifices (Mal 1.7,12, 1 Cor 10.4-7, 18-21) n'est pas non plus à négliger. Certaines expressions dans les récits d'institution présentent le Christ comme accomplissant, par son sacrifice unique et parfait, ce qui était préfiguré là : mon corps donné pour vous... mon sang répandu pour vous (Luc 22.19-20). Dans l’Ancien Testament, le sang versÈ renvoie au type d’alliance le plus contraignant. De plus, le caractère concret des éléments matériels et le réalisme étonnant de certaines paroles du Seigneur indiquent, par analogie, notre besoin vital de nourriture spirituelle. Depuis le soir du Jeudi Saint jusqu'au banquet céleste à venir, la Cène a cette fonction avec la Parole : “ Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour ” (Jean 6.54).


II. La présence en question

Certaines Eglises insistent surtout sur la dimension horizontale de la cène. Elle est une sorte d’aide-mémoire précieux par rapport au sacrifice de Jésus sur la croix, ainsi qu'un lieu de communion et de proclamation de la foi : vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne (1 Cor 11.26). Pour d'autres (catholicisme, orthodoxie), le sacrifice de Jésus n'est pas seulement rappelé, il est également renouvelé ou réactualisé sur l'autel : Prenez, mangez. Ceci est mon corps (Matt 26.26).

La théologie réformée estime que ces citations de la Bible ne permettent ni de justifier ni d'opposer ces deux visions qui sont à la fois complémentaires l'une envers l'autre et partielles par rapport à l'ensemble des données bibliques sur le sujet.

En réduisant la cène à un lieu d'engagement des chrétiens par le moyen du souvenir, le premier point de vue ne va pas au bout du sens des textes bibliques. L'expression en mémoire de (Luc 22.19, 1 Cor 11.24s) ne peut être limitée à un simple exercice pieux et intellectuel, comme quand on fait mémoire d’un principe important ou d'un défunt notoire. Le concept biblique de mémorial est plus riche que cela. Lorsque Dieu “ se souvient ”, cela signifie qu'il agit dans le temps prÈsent conformÈment ‡ ses anciennes promesses. Ainsi lorsqu'il donne aux hommes un signe par lequel ils feront mÈmoire de l’úuvre accomplie pour leur salut, cela veut dire que Dieu lui-mÍme entend bien “ se souvenir ” et bÈnir en consÈquence les participants ‡ ce mÈmorial. Appliqué à la cène, ce concept souligne que si nous annonçons la mort du Seigneur qui a eu lieu une fois pour toutes, c'est avec le Christ vivant et régnant à la droite de Dieu que nous sommes mis en communion par le Saint-Esprit.

Le second point de vue recourt à des données extra-bibliques pour tenter d'expliquer ce qui nous échappe : le comment de la présence du Christ. Si l'expression ceci est mon corps suggère bien que la cène n'est pas un simple rappel, elle n'implique ni un changement de la substance du pain et du vin, ni une présence du Seigneur automatique et indépendante de la foi des fidèles. Calvin utilise trois adjectifs pour préciser le sens de cette présence : réelle, spirituelle et conditionnelle.

1° Réellement présent

Bien que mystérieuse, la présence du Seigneur est premièrement réelle. Davantage qu'un rappel de l’œuvre du Christ sur la croix, la cène est communion actuelle au Seigneur qui était mort et que voici vivant aux siècles des siècles (Apoc 1.18). Il n'est pas question d'une communion à son sacrifice qui serait rendu présent lors de chaque célébration eucharistique, mais d'une communication - terme cher aux Réformateurs – des bienfaits du sacrifice de Jésus qui siège auprès du Père comme la victime expiatoire pour nos péchés (1 Jean 2.2). Cela était préfiguré dans les repas de communion sous l’Ancienne Alliance : ils étaient communion des vivants aux bienfaits des sacrifices offerts ! Cette réalité se rattache à la promesse de la présence du Christ aux côtés des siens jusqu'à la fin du monde (Matt 28.20). Elle trouve une première application dans la prière en groupe (Matt 18.19-20) et une seconde dans l'eucharistie. La particularité de cette dernière tient au fait que toute la communauté locale est rassemblée pour ce repas de communion : “ La coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas la communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n'est-il pas la communion au corps du Christ ? ” (1 Cor 10.16)

2° Christ se donne par l'Esprit

La présence du Christ à la cène est deuxièmement spirituelle, car seul le Saint-Esprit peut nous mettre en relation avec le Seigneur. Si le Christ, en tant que Médiateur, est le seul lieu de rencontre entre Dieu et les hommes, c’est le Saint-Esprit qui opère le lien de cette communication entre le croyant qui réside ici-bas et Jésus qui demeure au ciel. Il nous communique les bienfaits que le Christ-Médiateur nous a acquis dans son corps, son humanité, et par son sacrifice. Le croyant est alors non pas divinisé mais humanisé à l'image de Jésus. Si le Saint-Esprit est le lien de cette conjonction, il ne faut donc pas s'arrêter aux espèces matérielles du pain et du vin pour y trouver le Seigneur qui réside, en fait, dans les lieux célestes. La prise en compte de la position occupée par le Seigneur depuis l’Ascension est éclairante. On peut donc parler de la présence du Christ comme d'une “ réalité spirituelle ” qui nous permet de vivre une “ spiritualité réelle ” en respectant à la fois les limites de notre humanité et l'action du Saint-Esprit. Aux disciples déboussolés par ses paroles sur le pain de vie (manger ma chair, boire mon sang), Jésus précise : “ C'est l'Esprit qui vivifie. La chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et vie ” (Jean 6.63).

Cette référence constante à l'Esprit comme agent de liaison entre Dieu et son peuple permet d'éviter toute déviation magique de la cène sans pour autant l'amputer de sa spécificité et de sa substance.

3° Christ est reçu par la foi

Il faut ajouter troisièmement que la présence du Christ est conditionnelle et non automatique. Il faut la foi – que Calvin appelle “ la bouche de l'âme ” – pour avoir communion à son corps et à son sang. Celle ou celui qui s'approche de la table du Seigneur sans ce discernement de la foi n'obtient qu'un morceau de pain et une gorgée de vin. La possibilité de recevoir le corps et le sang du Christ sans y ajouter la foi est étrangère à la pensée réformée – et biblique, croyons-nous. En revanche, le fait de participer à ce saint repas avec désinvolture entraîne un jugement, comme sur tout autre forme d'incrédulité ou d'impiété : “ Car celui qui mange et boit sans discerner le corps (du Seigneur), mange et boit un jugement contre lui-même ” (1 Cor 11.29).
A propos de cette délicate question du mode de présence du Christ à la cène, la théologie réformée nous semble apporter une réponse fidèle et équilibrée. Fidèle parce qu'elle tient compte des multiples paramètres bibliques, et équilibrée dans ce sens qu'elle présente à la fois l'action souveraine – et efficace – de Dieu et la nécessité pour l'homme de mettre sa foi en œuvre. Ainsi, en reconnaissant la présence réelle mais spirituelle du Christ à la cène, et en rappelant la nécessité de la foi pour en recevoir les bienfaits, nous tenons l'essentiel.

III. Dérives et enjeux

Oubli de l’essentiel

1° Il y a tout d’abord la dérive minimaliste qui réduit la cène à un acte essentiellement centré sur les croyants, au détriment de l’action mystérieuse et souveraine de Dieu par son Esprit. Elle se limite alors à un rappel et une annonce de l’œuvre du Christ sur la croix censée fortifier la communion des fidèles entre eux. Une conception fréquente dans le monde évangélique. La vision réformée rappelle le caractère essentiel et premier de la présence réelle du Christ par son Esprit.

2° Il y a ensuite la dérive maximaliste qui accorde au sacrement une efficacité telle que la foi des individus n’est guère prise en compte et que la présence du Christ est “ chosifiée ”. Une conception présente dans les confessions catholique et orthodoxe. La théologie réformée rappelle que la présence du Christ, si elle est bien réelle, est aussi spirituelle et se reçoit dans la foi.

3° Il y a enfin le risque d’une foi et d’une piété par trop cérébrale, oublieuse des dimensions corporelle et symbolique. Si le Seigneur, ‡ cÙtÈ de son enseignement, a pris la peine d'instituer la cËne, mÈmorial avec une gestuelle, comme moyen de gr‚ce, nous serions bien imprudents d’en nÈgliger l’importance. La vision réformée fondamentale est de ne pas séparer la prédication, “ Parole audible ”, de la cène, “ Parole visible ”, dans le culte. La prédication fonde la cène en nous conduisant vers le Christ ; la cène apporte confirmation de l’œuvre de la grâce et nous invite à la recevoir de façon conséquente.

IV. CONSIDERATIONS PRATIQUES

1° Faut-il être baptisé pour prendre la cène ?

Le baptême étant le sacrement qui marque l’entrée dans l’alliance, il précède logiquement le repas de communion entre les membres et le Seigneur de l’alliance. Cette logique a toujours été appliquée par les Eglises chrétiennes. Un problème nécessitant un accompagnement pastoral spécifique se pose néanmoins avec la présence dans nos Eglises de fidèles qui n’ont pas encore été baptisés et qui souhaitent participer à la cène.

2° Les enfants peuvent-ils communier ?

Il faut le signe de l’alliance pour prendre la cène, mais ce n’est pas suffisant. Le discernement de ces réalités spirituelles (1 Cor 11.28s) est également nécessaire. Cela implique une certaine maturité et un enseignement clair. Dans nos Eglises, l’accueil à la cène a habituellement lieu au terme de l’instruction religieuse, mais une réflexion tenant davantage compte du cheminement de chacun en vue d’un accueil plus personnalisé à la cène, plus tôt ou plus tard qu’à l’âge traditionnel, peut s’avérer profitable.

3° Dimension pastorale

Le sacrement de la cène étant un temps fort de confirmation de l’œuvre de Dieu et de notre désir de lui être agréables, individuellement et en communauté, il permet tout un accompagnement spirituel consistant à relever, à encourager, à faire réfléchir, bref à veiller fraternellement les uns sur les autres dans notre marche à la suite du Christ. C’est un des rôles dévolu particulièrement au pasteur et aux anciens.
La pratique sporadique constatée dans plusieurs de nos Eglises et la fâcheuse tendance à l'auto-excommunication de certains fidèles méritent qu’on ne perde pas de vue le but de l’appel au discernement lancé par Paul qui n’est pas de nous décourager mais au contraire de nous rendre conscients de notre besoin de recevoir la vie du Christ en nous : “ que chacun donc s’examine soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe ” (1 Cor 11.28). Si la cène est appel à la sainteté, ce n’est que dans la conscience de notre indignité et du pardon renouvelé offert en Christ à quiconque s’approche de lui avec foi et humilité.

4° Dimension diaconale

La situation rencontrée par Paul à Corinthe indique que la cène ne peut être disjointe d’une éthique de fraternité et de solidarité. Dans la communauté qui est le Corps du Christ en un lieu donné,  il ne peut subsister côte à côte des personnes dans le besoin et d’autres qui baignent dans une abondance méprisante (I Cor 11.17-22, 33s). Le repas du Seigneur doit nous conduire à devenir meilleurs dans l’amour mutuel ; c’est ainsi que nous sommes vraiment ses disciples (Jean 13.35 ; Act 2.42-47).


“ Nous pouvons appeler nôtre tout ce qui lui appartient ”

A propos de la cène, Calvin disait : “ elle subvient à notre indigence spirituelle, elle nous conduit à l'adoration et elle nous exhorte à vivre saintement car elle est centrée sur le Christ ”.

 Nos ‚mes peuvent recevoir de ce sacrement une grande douceur et un grand fruit de confiance, car par lui, nous savons que Jésus-Christ est tellement incorporé en nous, et nous en lui, que nous pouvons appeler nôtre tout ce qui lui appartient, et appeler sien tout ce qui est à nous. C’est pourquoi nous osons promettre avec assurance que la vie éternelle est à nous et que le royaume des cieux nous appartient tout comme à Jésus-Christ lui-même ; et que d’autre part nous ne pouvons pas être condamnés plus que lui par nos péchés, puisqu’il nous en a délivrés en les prenant sur lui comme s’ils avaient été les siens. Tel est l’échange admirable que dans sa bonté infinie il a voulu faire avec nous. En recevant notre pauvreté, il nous a transféré ses richesses ; en prenant sur lui nos faiblesses, il nous a fortifiés de sa puissance ; en revêtant notre mortalité, il nous a transféré son immortalité ; en recevant le fardeau des iniquités qui nous accablaient, il nous a ouvert le chemin du ciel ; en se faisant fils d’homme, il nous a faits enfants de Dieu. ” (Jean Calvin, Institution Chrétienne, Livre IV, chap. 17, § 2 )


GLOSSAIRE

Sacrement : Ce terme, via le latin, traduit le mot grec qui a donnÈ mystËre ; il rappelle que l'action de l'Esprit est insondable. Dans nos Eglises, on retient comme sacrements le baptÍme et la cËne car :
    - ils ont ÈtÈ instituÈs par un ordre du Christ pour toute l'Eglise ;
    - ils renvoient ‡ l’úuvre du salut en Christ et
    - ils sont des signes visibles (utilisant des supports matÈriels) d'une gr‚ce invisible.

Termes fréquemment utilisés
Cène : terme général tiré du latin repas du soir souvent précédé de sainte, vu sa particularité.

Eucharistie : Aux XVIe et XVIIe siècles, les théologiens réformés utilisaient fréquemment ce terme qui signifie action de grâces  pour désigner la cène, car Jésus rend gr‚ces au moment d’instituer ce repas.

Table et repas du Seigneur soulignent l’arrière-plan du repas de la Pâque.

Communion met l’accent sur le fait d’être reliés au Christ et les uns aux autres lors de la cène.

Mode de présence du Christ
Transsubstantiation : interprétation qui a fini par s’imposer au Moyen-Age dans le catholicisme, selon laquelle la “ substance ” même du corps du Christ remplace celle du pain et du vin lors de la consÈcration des espèces.

Consubstantiation : interprétation luthérienne qui postule que la “ substance ” du corps du Christ est présente avec celle des espèces matérielles sans les annuler ; dans, avec, sous se plaisait ‡ répéter Luther.

Point de vue rÈformÈ : la présence réelle du Christ se fait par l’Esprit et se reçoit dans la foi. Calvin n’entre pas du tout dans ce débat sur la substance. C’est la fonction des espèces qui change !

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