Fiche n° 12 - LA TRINITÉ

 

 

 

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La trinité : Rendre gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit

 

Aussi loin qu’on remonte dans l’Eglise, le baptême est administré « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » : la vie chrétienne, c’est entrer dans la réalité d’un seul Dieu qui se fait pourtant connaître par une diversité de personnes. Cette habitude de parler est présente dès les premières pages du Nouveau Testament. L’Eglise ultérieure ne fera que reprendre et approfondir ces éléments dans ses grandes confessions de foi. Il importe donc de savoir ce que sous-entend cette doctrine de la Trinité, comme aussi ce qu’elle implique pour notre piété et notre vie d’Eglise.

  1. Dieu se révèle dans l’histoire

Le mot « Trinité » ne se trouve pas dans la Bible. Mais le Nouveau Testament parle constamment du Dieu Père, qui se révèle par son Fils et agit par son Esprit. Selon l’apôtre Pierre, nous avons été « choisis conformément à la prescience de Dieu le Père, et conduits à la sainteté par l’Esprit, afin de devenir obéissants et d’être purifiés par le sang de Jésus-Christ […] » (1 P 1.2 Seg21). C’est ce réflexe trinitaire que l’on verra plus tard dans le Symbole des apôtres et celle de Nicée-Constantinople : « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant… Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique… Je crois en l’Esprit Saint ». Avant d’être un point théologiquement explicite, la foi au Dieu trinitaire résume la façon dont les chrétiens ont toujours parlé de Dieu.

On peut cependant s’étonner du peu de descriptions trinitaires avant la venue du Christ. Certes, il est possible de trouver des lueurs de cette doctrine dans l’Ancien Testament[1] mais pour ce dernier, Dieu est d’abord un :

Je suis l'Éternel, et il n'y en a point d'autre, à part moi il n'y a point de Dieu […]. Que l'on reconnaisse, du soleil levant au couchant, qu'en dehors de moi il n'y a que néant : je suis l'Éternel, et il n'y en a point d'autre (Es 45.5-6)[2].

Cet accent sur le Dieu unique s’explique en partie par le contexte : dans un monde imprégné de croyances en de multiples dieux, la révélation biblique se devait d’insister sur le caractère unique du Dieu d’Israël. Mais ce silence se comprend aussi par le fait que Dieu a choisi de se révéler à partir de son action dans l’histoire. Ce n’est qu’au moment de la venue de Jésus-Christ, « Dieu avec nous » (Mt 1.21), et de l’envoi de l’Esprit au jour de Pentecôte (Actes 2), qu’il s’est fait clairement connaître comme le Dieu trinitaire.

Le Nouveau Testament, pas moins que l’Ancien, est profondément monothéiste : il y a un seul Dieu. Pourtant, à partir de la révélation en Christ, Dieu se révèle comme celui qui existe en trois personnes distinctes.

Parce que Dieu est le Dieu trinitaire, il existe en lui-même une vraie communion, voire une existence « communautaire ». Si nous confessons que « Dieu est amour »[3], ultimement, cela n’est possible que parce que, au sein de ce Dieu unique, se trouvent le Père, le Fils et l’Esprit qui s’aiment mutuellement et sont en relation perpétuelle.

  1. Dieu, le Père

Dans l’Ancien Testament, Dieu est d’abord le Créateur. Par sa parole puissante il a créé toutes choses : « Les cieux ont été faits par la parole de l’Éternel, et toute leur armée par le souffle de sa bouche » (Ps 33.6). En tant que Dieu souverain, il maintient aussi la création en existence ; derrière les lois dites « naturelles », c’est lui qui pourvoit aux besoins de ses créatures : « S’il ne pensait qu’à lui-même, s’il ramenait à lui son Esprit et son souffle, toute chair périrait en même temps, et l’homme retournerait dans la poussière » (Jb 34,14-15).

Tout en continuant à parler du Dieu créateur, les auteurs du Nouveau Testament emploient des expressions comme « Dieu, le Père de Jésus-Christ » ou, plus simplement, « Dieu, le Père »[4]. Ils assimilent ainsi le Père à celui qui, dans l’Ancien Testament, s’est fait connaître comme Créateur. Si, au niveau du vocabulaire, la distinction entre Dieu « le Père » et Dieu « le Fils » n’y est pas toujours rigoureuse, c’est que le Nouveau Testament retient les habitudes du judaïsme ; il parle simplement de « Dieu », alors qu’il s’agit plus précisément du Père. Cela étant dit, lorsque la Bible appuie la distinction des personnes, elle présente le Père comme celui qui prend l’initiative dans la création et la rédemption. Comme Paul le dit : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ !  En lui, Dieu nous a élus avant la fondation du monde » (Ep 1.3-4)[5].

Affirmer que le Dieu Père est Créateur, c’est dire que Dieu ne se confond pas avec sa création. C’est ce qu’implique la notion, centrale pour l’Écriture, de l’alliance : celle-ci suppose des partenaires fondamentalement différents, car on entre en alliance afin d’établir une relation.

En révélant que le Dieu rédempteur est aussi le créateur, l’Écriture montre que le salut en Christ ne vient pas remplacer l’œuvre de création : le Dieu qui a tout créé (Gn 1.1) est aussi le Père qui envoie son Fils pour rétablir sa création avec ses relations, ses structures, et même ses composantes matérielles.

Chaussée glissante

L’Eglise ancienne a dû combattre le marcionisme, qui voulait scinder la révélation biblique en deux parties opposées : l’Ancien Testament, relevant d’un créateur rigoureux et colérique, le Nouveau, révélant le Dieu de grâce et d’amour. Sans aller à de tels extrêmes, on trouve dans certains milieux d’Eglise des notions analogues où la création est dépassée par l’œuvre du Christ et vouée à la disparition. Cependant, du fait que la création est l’œuvre du Dieu Créateur et Rédempteur, ces deux choses doivent se comprendre comme deux « volets » de l’unique œuvre du Dieu un !

  1. Jésus-Christ, Dieu le Fils

Vrai homme et vrai Dieu

Connaître Dieu comme Père est possible parce que Jésus-Christ est venu comme Fils. La Bible montre que Jésus de Nazareth a été et demeure pleinement homme, y compris après sa résurrection. En raison de sa parfaite dépendance vis-à-vis de Dieu, Jésus a pu, comme aucun autre, appeler celui-ci « Abba, Père », avec tout ce que cela implique d’intime. Cette façon de s’adresser à Dieu tranchait avec le judaïsme de l’époque, où l’on évitait d’user d’une trop grande familiarité par rapport au « Dieu des cieux ».

Cependant, Jésus révèle aussi, parfaitement, le caractère et la présence de Dieu. Sa naissance signale la venue d’« Emmanuel, Dieu avec nous » (Mt 1.22-23). En se référant au temple de Jérusalem, lieu de la présence du Seigneur, il parlera de lui-même en disant : « Il y a ici plus grand que le temple ! » (Mt 12.6). Jésus a encore une connaissance intime et unique du Père : « Tout m’a été remis par mon Père, et personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, personne non plus ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler » (Mt 11.27). Les auteurs du Nouveau Testament n’hésiteront pas à dire que Jésus est lui-même Dieu, la Parole éternelle :

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. […] La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père (Jn 1.1-4,14)[6].

La venue du Fils n’est donc pas simplement une manière dont Dieu se révèle à un moment donné. Le statut filial de Jésus reflète une relation avec le Père qui plonge ses racines dans l’éternité. Comme Jésus le dit peu avant son arrestation : « Je t’ai glorifié sur la terre […]. Et maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que le monde fût » (Jn 17.4-5).

Contrairement à ce qu’affirme l’Islam notamment, cette relation filiale n’est pas comparable à celle qui existe sur le plan humain, où un père et une mère donnent naissance physiquement à un enfant. Parler du Fils éternel, c’est affirmer que les relations et la communion entre le Père et le Fils existent depuis toujours au sein de Dieu.

Adoptés en Christ

Le statut filial du Christ est au cœur de la foi chrétienne, car il va de pair avec notre adoption. Le Fils de Dieu « s’est revêtu » de notre humanité ; la relation avec le Père dont il jouissait dans l’éternité, il l’a donc connue en tant qu’homme aussi. Et il s’est incarné pour qu’à notre tour nous puissions découvrir cette même relation et en devenir les bénéficiaires. Comme le dit Paul :

[…] Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sous la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l’adoption. Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba ! Père ! Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier, grâce à Dieu (Ga 4.4-7).

Calvin résume cette pensée en se demandant comment, malgré notre péché, nous avons pu devenir héritiers du royaume de Dieu : « Qui aurait pu accomplir cela si le Fils de Dieu lui-même n’avait pas été fait homme et ne s’était fait tellement semblable à nous qu’il nous a communiqué de ce qui lui était propre, faisant nôtre, par grâce, ce qui était sien par nature »[7] !

Le rôle du Fils

L’activité du Fils se définit en rapport avec les desseins du Père. Le Nouveau Testament précise que Dieu nous a élus en Christ ; il a tout créé par lui ; par le Christ, il a réconcilié le monde avec lui-même ; par lui, il nous a obtenu le salut. Le rôle spécifique du Fils est de réaliser les projets formulés par le Père.

Cette perspective souligne deux vérités importantes. Premièrement, Dieu – Père et Fils – est pleinement impliqué dans notre salut : il s’y engage dans la totalité de son être.

Deuxièmement, il y a une harmonie parfaite entre l’œuvre du Père et celle du Fils ; dans la rédemption en particulier, le Fils accomplit un salut voulu par le Père. Il n’y a aucune opposition entre le Père, Juge, et le Fils, avocat ; si le Christ apaise la colère du Dieu saint à la croix, il ne s’agit pourtant pas d’« arracher » la compassion à un Dieu colérique, celui-ci ne concédant sa grâce qu’à contrecœur. C’est bien le Père qui envoie son Fils pour notre salut !

Que dirons-nous donc à ce sujet ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi tout avec lui, par grâce ? Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu est celui qui justifie ! Qui les condamnera ? Le Christ-Jésus est celui qui est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous ! (Rm 8.31-34).

Chaussées glissantes

L’histoire de l’Eglise l’a montré, des « chemins glissants » sont particulièrement évidents en matière de christologie :

  • Lorsque Jésus n’est vu que comme un homme : dans la théologie libérale, on a souvent tenté de comprendre Jésus comme un homme entièrement tourné vers Dieu mais rien de plus. Une telle vision ne peut s’accommoder des paroles de l’évangile : « Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. […] Celui qui m’a vu, a vu le Père» (Jn 14.6-9).
  • Lorsque l’insistance sur la divinité du Christ nous fait oublier son humanité : si les évangéliques sont, en général, pleinement acquis à la divinité du Christ, on remarque souvent une tendance à minimiser son humanité. L’essentiel de l’incarnation serait la venue de Dieu en Christ. Cependant, l’humanité du Christ est tout aussi fondamental car, par Jésus-Christ Dieu et homme, Dieu vient racheter notre humanité ! Le Christ révèle à quoi doit ressembler notre humanité. Il montre aussi, par sa résurrection et sa glorification, à quoi cette humanité est destinée.

Les implications de cet enseignement sont énormes : si le Fils éternel est allé jusqu’à venir comme l’un de nous, la rédemption n’est pas le dépassement mais le rétablissement de notre humanité. Le Christ, vrai homme, révèle la profondeur de l’amour de Dieu pour sa création ; son humanité, parachevée et glorifiée, aiguise notre attente du renouvellement de la création entière !

  1. Dieu, le Saint-Esprit

L’Esprit à l’œuvre dès le commencement

L’Ancien Testament parle souvent de l’Esprit de Dieu, comme la force agissante de Dieu dans la nature et au milieu d’Israël. Son activité n’a donc pas commencé au jour de Pentecôte seulement[8]. L’Esprit y est aussi à l’œuvre dans la vie des fidèles. David peut dire : « Ne me retire pas ton Esprit Saint » (Ps 51.13). D’ailleurs, ce psaume sera repris dans le culte d’Israël comme une prière que tout fidèle du temps de l’ancienne alliance pourra formuler[9].

Mais c’est à partir de Pentecôte que l’on découvre la plénitude du ministère de l’Esprit. L’évangile de Jean parle du temps où « l’Esprit n’avait pas été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été élevé à la gloire » (Jn 7.39, BFC). C’est donc seulement après la résurrection que l’Esprit agit en tant qu’Esprit du Fils : suite à la croix qu’on parlera de l’Esprit comme « l’Esprit de Jésus-Christ » ou « l’Esprit du Fils »[10]. Ces titres indiquent la spécificité de l’Esprit dans le Nouveau Testament : suite à la croix, l’Esprit vient appliquer l’œuvre du Christ à la vie des croyants.

C’est aussi à partir de Pentecôte que l’on perçoit clairement la personnalité et la divinité de l’Esprit. Dans les Actes, il est précisé qu’Ananias a « menti à l’Esprit » (Ac 5.3), ce qui suppose une action contre une personne. Du reste, en agissant ainsi, c’est à Dieu lui-même qu’Ananias a menti (Ac 5.4). La personnalité de l’Esprit se voit encore dans ses activités :

  • Il rend témoignage au Christ (Jn 15.26)
  • Il entend et annonce (Jn 16.13)
  • Il convainc le monde du péché (Jn 16.8-9)
  • Il conduit les disciples dans la vérité (Jn 16.13)
  • Il parle et ordonne (Ap 13.1-2 ; 22.17)
  • Il peut être « attristé » (Ep 4.30)
  • Il intercède en faveur des croyants auprès du Père (Rm 8.26 ; cf. 8.34).

L’Esprit dans la vie des croyants

L’œuvre de l’Esprit concerne chaque chrétien et l’ensemble de l’Eglise. Par l’Esprit du Christ, nous sommes conduits, à notre tour, à dire : « Abba, Père ! ». L’Esprit nous fait prendre conscience de notre statut d’enfants de Dieu (Rm 8.15-16).

Le Saint-Esprit est à l’œuvre dès le début de la vie chrétienne. Même avant la conversion, il agit pour nous conduire au Christ ; c’est lui qui nous amène à une confession sincère du Christ comme Seigneur. En effet, « […] nul ne peut dire : Jésus est le Seigneur ! si ce n’est par le Saint-Esprit » (1 Co 12.3)[11].

L’Esprit du Christ permet encore aux disciples de proclamer avec courage et autorité l’évangile[12].

En tant qu’Esprit Saint, l’Esprit fait avancer les croyants sur le chemin de la sainteté. Nous constatons ici le lien intime entre l’action de l’Esprit et celle du Christ : Christ a été fait pour nous « sagesse, et aussi justice et sanctification »[13]. L’Esprit, quant à lui, fait croître en nous le « fruit de justice qui vient par Jésus-Christ »[14]. Ce fruit n’est rien d’autre que notre transformation en l’image du Christ (2 Co 3.18). C’est aussi par l’Esprit, « garantie » et « premier acompte » du royaume éternel[15], que Dieu nous ressuscitera lors du retour du Christ : « Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ-Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8.10-11).

L’Esprit vient restaurer notre humanité authentique : celle que Dieu a créée au commencement, que Christ a rachetée par sa mort et parachevée par sa résurrection. L’activité de l’Esprit est donc inséparable de celles du Père et du Fils : il prend la sainteté et l’obéissance de Jésus, son intimité avec le Père et sa vie de résurrection, et il les reproduit en nous. Il ne vient pas pour faire une œuvre propre : il poursuit et achève l’œuvre du Fils.

Si le Père formule le dessein de rédemption et le Fils l’accomplit, l’Esprit applique cette œuvre dans la vie de ceux qui appartiennent au Christ.

Chaussées glissantes

Le rôle de l’Esprit dans la vie chrétienne a souvent été mal compris :

  • Lorsque l’Esprit est réduit à une « force » ou une « puissance » : L’Esprit est une personne. A ce titre, il requiert notre respect et notre adoration. Il n’est pas à notre « disposition », pas plus que le Père ou le Fils, et il reste souverain ! C’est nous qui devons être souples face à son œuvre de transformation, afin de ressembler toujours plus au Christ et d’entrer dans les desseins de Dieu pour son Eglise et pour le monde.
  • Lorsque l’Esprit devient une grâce supplémentaire : L’Esprit est accordé à tous ceux qui placent leur foi en Christ et il détient une multiplicité de « charismes » pour le bien de l’Eglise. Il n’est donc pas possible de distinguer entre de « simples croyants » qui n’auraient pas l’Esprit, et les « croyants spirituels » qui l’auraient reçu : « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas» (Rm 8.9)[16] !
  • Lorsque l’œuvre de l’Esprit est oubliée dans la vie chrétienne : Parfois, en réaction à certains excès, la place de l’Esprit dans la spiritualité est négligée. Cela peut conduire à une notion statique de la vie dans la foi ; seul compterait alors, par exemple, le fait d’avoir été racheté par Christ, aux dépens d’une transformation réelle que l’Esprit opère dès à présent.
  1. La Trinité et la spiritualité chrétienne

Plus nous comprenons la grandeur du Dieu trinitaire, plus nous serons émerveillés par son amour : amour impliquant à la fois la création, sa rédemption et sa transformation. Les chrétiens ont parfois tendance à ne retenir de l’œuvre trinitaire que ce que Dieu peut faire pour leurs besoins personnels et ils perdent de vue l’unité de cette œuvre. Comprendre que le Père, le Fils et l’Esprit agissent en parfaite unité nous encourage à prendre conscience que notre vie et nos situations s’insèrent dans le contexte plus large de son dessein pour la création.

Une spiritualité trinitaire replace encore le salut dans la création matérielle. Loin de nous couper du « monde », elle permet de retrouver notre statut d’êtres humains dans une création qui fut au départ « très bonne », une création destinée à être renouvelée, transformée et glorifiée. Une spiritualité centrée sur le Dieu trinitaire souligne, de même, le lien entre l’œuvre de l’Esprit et notre transformation en l’image de Jésus-Christ – avec tout ce que cela implique en termes d’intégrité, d’humilité, de disponibilité envers Dieu et son règne, comme aussi d’amour pour notre prochain et de proclamation de l’Évangile.

Une bonne compréhension du Dieu trinitaire éclaire enfin nos façons de prier. Malgré la tendance que l’on voit parfois à prier Jésus avant tout, le Nouveau Testament considère la prière comme étant dirigée essentiellement vers le Père : « Rendez toujours grâces pour tout à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ » (Ep 5.20)[17]. Du point de vue biblique, le Fils ne vient pas pour pour s’attirer la gloire des hommes mais pour nous ramener au Père. De même, l’Esprit tourne notre regard vers le Fils, ne dirigeant pas l’attention à sa propre activité. Cela n’interdit pas de prier Christ ou l’Esprit, ou de formuler des prières au Dieu trinitaire mais nous indique une priorité qu’il convient de respecter.

Cette orientation dans la prière révèle un aspect de Dieu. Lorsqu’un des membres du Dieu trinitaire agit, c’est pour glorifier un des deux autres : l’Esprit nous renvoie au Fils qui, à son tour, nous conduit au Père, le Père glorifie le Fils, et ainsi de suite[18]. Ce Dieu d’amour – qui est amour précisément parce qu’il est relation – révèle ainsi sa nature, qui consiste à élever l’autre.

N’y a-t-il pas là aussi une implication pour notre spiritualité ? Une vie chrétienne définie par l’amour du Dieu « trois fois saint » est une vie tournée vers les autres. Elle ne cherche pas à se mettre en avant mais elle veut, au contraire, glorifier le Dieu créateur et rédempteur, le Dieu qui choisit, qui relève et qui transforme.

 

[1] Cf., par exemple, Gn 1.26-27 : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance […]. Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu ». De même, Ps 45.7-8 (cf. He 1.8-9) ; Es 9.5, etc.

[2] Cf. aussi Dt 6.4, etc.

[3] 1 Jn 4,8.16.

[4] Cf. 1 Co 8.6 ; Ga 1.1 ; 5.20 ; 6.23 ; Ph 2.11 ; 3.17 ; 2 P 1.17, etc.

[5] Cf. Rm 15.6 ; 2 Co 1.3 ; Ga 1.3 ; Ep 1.17 ; Col 1.3 ; 1 P 1.3, etc.

[6] L’évangile de Jean en particulier contient plusieurs affirmations très fortes au sujet de l’unité profonde entre le Père et le Fils : Jn 1.18 ; 8.58 ; 10.30.38 ; 12.45 ; 14.7,9 ; 20.28.

[7] Institution de la religion chrétienne, livre II, chapitre xii.2.

[8] Cf. Gn 1.2 ; Es 63.9-12 ; Za 4.6 ; Ag 2.4-5, etc.

[9] Cf. Ps 139.7.

[10] Rm 8.9 ; Ph 1.19 ; 1 P 1.11 ; Ga 4.6.

[11] Cf. aussi 1 Co 2.14-16 ; Jn 3.5-8.

[12] Lc 24.49 ; Ac 1.8 ; Mt 10.19-20.

[13] 1 Co 1.30.

[14] Ph 1.11 ; cf. Ga 5.22-23.

[15] Ep 1.13-14.

[16] Cf. aussi 1 Co 12.13 : « Et nous tous, Juifs ou non-Juifs, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps par le même Esprit Saint » (BFC).

[17] Cf. aussi Co 3.17.

[18] Jn 8.54 ; 13.32 ; 16.13-15 ; 17.1,4-5 ; Ac 3.13 ; 1 P 1.21.

Mots-clés: Doctrine de Dieu, Théologie, Trinité

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